Ce projet est cofinancé par l’État, l’Union européenne avec le Fonds Européen pour le Développement Régional (FEDER) et la région Nouvelle-Aquitaine.
Contexte et positionnement Scientifique
La prise en charge des maladies cérébrales a un coût très élevé pour notre société et a été estimée à 798 milliards d’euros pour l’Europe (Olesen et al., 2012, Eur J Neurol). Malgré des avancées importantes dans la compréhension des mécanismes impliqués dans ces désordres cérébraux, les progrès en matière de traitement réalisés ces dernières décennies restent limités. Cette lente progression peut notamment s’expliquer par le fait que la majorité des modèles animaux ne prend pas en considération le rôle des facteurs environnementaux dans ces pathologies cérébrales ni la complexité des environnements dans lequel nous vivons. Héberger des animaux dans un environnement complexe non seulement peut améliorer le bienêtre animal mais aussi la validité prédictive de modèles animaux. L’environnement enrichi (EE) est généralement constitué d’une cage de grande taille contenant une roue d’activité et plusieurs jouets changés périodiquement afin de stimuler l’activité, la curiosité et l’exploration des animaux. Au sein de cet environnement, les animaux peuvent choisir d’interagir, quand et s’ils le veulent, avec leurs partenaires sociaux et les différents objets à leur disposition. Plusieurs évidences expérimentales ont démontré que l’EE produit des effets bénéfiques sur plusieurs pathologies neurologiques, neurodégénératives et psychiatriques.
Ces dernières années, notre équipe a publié plusieurs papiers démontrant que l’EE possède à la fois des effets préventifs mais également curatifs sur l’addiction et diminue le risque de rechute. Ces résultats ont des implications cliniques majeures car ils suggèrent une manière naturelle de soigner l’addiction. Plus généralement, ils suggèrent que des efforts devraient être entrepris afin de veiller à ce que les personnes souffrantes d’addiction puissent recevoir différentes formes de stimulation (sociale, physique et intellectuelle). Néanmoins, pour mieux comprendre comme l’EE agit et comment il pourrait être mis en place chez l’Homme, il est fondamental de comprendre précisément comment les animaux interagissent avec cet EE. Malheureusement, les cages d’EE classiques ne permettent pas d’évaluer le comportement individuel des animaux au sein de cet environnement.
Dans ce projet, nous voulons étudier les déficits comportementaux et neurobiologiques associés à l’addiction dans un environnement qui vise à mimer la complexité de la vie réelle. Pour cela nous devons utiliser des équipements de nouvelle conception qui permettent d’étudier le comportement des animaux dans un milieu semi-naturel ce qui permet de mieux mimer la complexité des interactions de l’Homme avec son environnement et avec ses congénères. Par ailleurs, nous allons associer ces mesures comportementales avec des mesures neurobiologiques in vivo et ex vivo pour étudier les mécanismes sous-jacents les déficits comportementaux associés à l’addiction. Enfin, nous utiliserons des approches d’intervention fonctionnelle pour manipuler directement l’activité des neurones dans des régions spécifiques du cerveau et nous étudierons l’effet de ces manipulations sur l’addiction et le comportement des animaux en milieu semi-naturel. Avec l’ensemble de ces approches nous pourrons proposer des nouvelles pistes thérapeutiques pour le traitement de l’addiction.
Généralités Méthodologiques
Dans ce projet nous allons mettre à profit les potentialités du Phenoworld (TSE Systems), un équipement de nouvelle conception qui permettent d’héberger nombreuses animaux (jusqu’à une vingtaine) dans un cages constitué de plusieurs compartiments destinée à des activité spécifiques(ex. activité sociale, activité physique, activité cognitive, alimentation). De façon intéressante, grâce à un système RFID (identification par radiofréquence), ces systèmes permettent l’identification de chaque animal, de déterminer leur position à chaque moment de l’expérience et de contrôler de manière individuelle l’accès aux différents compartiments. Ceci nous devra permettre d’obtenir une meilleure compréhension de mécanismes anti-rechute aux drogues d’abus de l’EE.
En particulier, sur la base de nos études précédentes nous allons permettre aux rats de s’auto-administrer de la cocaïne selon une procédure d’escalade qui engendre un comportement similaire à l’addiction. Par la suite, et au cours de la période d’abstinence, les rats seront élevés soit dans des cages d’hébergement standard soit dans l’environnement complexe pour une période de 30 jours. Pendant cette période, leur comportement sera enregistré 24h/24h. A la fin de l’abstinence, les animaux seront à nouveau ré-exposés aux cages d’auto-administration et soumis à un test de rechute. Finalement, nous effectuerons une analyse « à posteriori » pour établir les relations entre le comportement individuel pendant l’abstinence et les taux de rechute.
Ces expériences nous permettrons de déterminer 1) si l’addiction est associée à des déficits comportementaux comme la réduction des activités alternatives et de l’interaction sociale et comment ces déficits évoluent pendant l’abstinence ; 2) si des comportements spécifiques peuvent prédire le succès ou l’échec de l’EE. Répondre à ces questions est fondamental afin de faciliter la translation de ces résultats précliniques à des applications cliniques.
A la fin des expériences, nous allons obtenir des échantillons des cerveau pour l’étude de mécanismes biologiques responsible de la réponse à l’EE. Enfin, nous allons tester si la modulation directe des mécanismes neurobiologiques identifies est capable d’avoir des effets positifs sur l’addiction.
Phénotypage comportementale, Équipement 1 : Environnement complexe pour l’hébergement en milieu semi-naturel
Les systèmes comme le PhenoWorld sont des nouveaux systèmes permettant d’héberger les animaux dans un EE et « interactif » qui peut être constamment enregistré et contrôlé par l’expérimentateur. Les animaux sont hébergés en groupes (jusqu’à 16 rats) et implantés avec un transpondeur radio qui permet d’évaluer et contrôler individuellement et à tout instant le comportement des différents animaux grâce à une programmation informatique. Ces comportements pourront être évalués en situation semi-naturelle et de façon longitudinale ce qui permet d’étudier l’évolution des anomalie comportementales qui peuvent être associées à l’addiction ainsi que le processus de récupération au fil du temps. Les caractéristiques uniques du Phenoworld permettent d’avoir 1) un contrôle précis et longitudinal de l’activité individuelle de animaux y compris des aspects sociaux et 2) un contrôle sans précèdent de l’environnement et du comportement animal. Ces facteurs nous permettrons de redéfinir et d’affiner les modèles animaux des maladies cérébrales et d’améliorer leur validité prédictive.
Déficits neurobiologiques ex vivo, Équipements 2 : Appareils de coupe
Nous allons aussi tester les changements induits par les drogues dans le cerveau sur des échantillons post-mortem ce qui nous donne la possibilité d’aller dans les mécanismes cellulaires et moléculaires. Pour cela, nous avons acquis 3 systèmes complémentaires de coupe:
Équipements 3 :Scanner de lames
Les déficits neurobiologiques ex vivo seront évalués grâce à des techniques d’histologie et d’immunohistologie qui permettent de mettre en évidences les changements à niveau structurales et fonctionnels induits par les drogues. L’ensemble de ces techniques histologiques passe par une analyse microscopique des structures tant en lumière transmise qu’en fluorescence. Aujourd’hui, la technologie dite « lames virtuelles » permet l’analyse multidimensionnelle des tissus autorisant ainsi une visualisation globale ou fine des tissus en un instant. Le système de scanner de lame permet une observation interactive et dynamique de la zone scannée à haute résolution via un objectif X20 ou X40 tant en lumière transmise qu’en fluorescence. Les images obtenues peuvent être utilisées pour de nombreuses applications dans de nombreux projets scientifiques :
– la localisation de canules et /ou électrodes ;
– la cartographie d’anticorps ;
– la localisation de traceur et ou virus ;
– la quantification à l’échelle cellulaire au sein de régions préalablement cartographiées via le logiciel Mercator et ce y compris en fluorescence ce qui est autrement impossible au niveau d’une structure à l’heure actuelle (Explora Nova) ;
– l’archivage des images (notamment pour les signaux transitoires) ;
– le partage d’images de haute résolution à distance …
Approches pharmacogénétiques pour tester la récupération fonctionnelle. Équipement 4 : Système d’injection intracérébrale
Des nouvelles approches biologie moléculaires nommées de « pharmacogénétiques » permettent, en utilisant de virus, de faire exprimer à des neurones des récepteurs qui sont activés ou désactivés grâce à des molécules autrement inertes (comme le CNO). Ceci permet de tester l’implication d’une structure ou un réseau neuronal dans l’addiction.